Les médias adorent convier des experts qui énoncent clairement ce qu'ils conçoivent aisément. La plupart du temps, ils se trompent avec assurance (c'est ça le plus important finalement chez l'expert, l'assurance avec laquelle il profère ses conneries). Pour tenter de masquer le vide qui les habite, les radios, les télés, les magazines et le journaux invitent ces spécialistes de tout et de rien à venir exposer doctement leur clairvoyance à bon compte. En échange, ils ont accès à une audience ou à un lectorat. Cet échange de bons procédés permet aux deux parties d'enclencher un processus doublement profitable en offrant aux experts de grimper encore dans l'échelle de l'expertise auprès des médias pour devenir incontournables sur leur sujet de prédilection. Raison de plus pour se claquer la bise en arrivant puisque généralement, tout le monde se connait déjà. Ça, c'est bien pratique d'être entre gens de bonne compagnie. Cela évite de se lancer dans des débats trop vifs (ça pourrait être lassant pour les téléspectateurs, auditeurs ou lecteurs et ça pourrait les instruire en les incitant à se forger leur propre opinion). Alors bien sûr, être convié à France Culture, pour beaucoup de gens, c'est comme obtenir ses galons d'expert en culture et ça assoit son homme une fois pour toute auprès de son entourage et de tous ceux qui sont à la recherche d'interlocuteurs de haut vol. Genre: "
Tu as entendu ma dernière intervention sur France Culture ? Je crois que j'ai été somme toute assez convainquant non ?" Mais plus que tout, cela permet de sortir des énormités en toute quiétude et de balayer avec arrogance, tout ce qui ne cadre pas avec ses idées.
Aujourd'hui, j'avais une 1/2 heure à tuer et des coups de soleil et j'ai donc décidé de me mettre à l'ombre et d'écouter une émission radiophonique au titre plein de promesses:
"La photographie est-elle morte ou vivante ?" (clic si cela vous dit) sur France cul avec André Gunthert (c'est qui ? Ah oui ! le type qui brocarde la défense du droit d'auteur et qui met ses photos sur FlickR en "tous droits réservés"), Alain Bublex (Artiste contemporain et designer si j'ai bien compris), Eloïse Capet (photographe mobile, car les autres sont immobiles). Le tout animé par Caroline Broué (qui porte bien son nom, auquel il manque un t) dans une émission intitulée: "la Grande Table". Malheureusement, cette table ressemble à une équipement de camping en plastoc achetée en promo chez Lidl pour les vacances.
On y parle de photo professionnelle et aucun photographe de métier n'y est convié. André Gunthert tente une fois de plus de ridiculiser les positions de l'UPP sur certains problèmes cruciaux, comme à son habitude (c'est une de ses obsessions dans la vie) et bien entendu, aucun représentant de cette association n'est invité à exposer son point de vue. Il faut comprendre qu'on parle d'art et en la matière, André Gunthert et ses disciples dispensent la bonne parole. D'ailleurs là où la plupart des photographes tentent de témoigner modestement de leur époque, la photographe "mobile" Eloïse Capet propose elle une "
nouvelle vision de l'image devenue conversationnelle et communicante"(expression intégralement repompée sur le site Cultures Visuelles de André Gunthert. C'est vous dire s'ils sont copains) et dans son travail
"elle aborde un parcours sémiotique explorant les signes de la féminité" (j'espère qu'au minimum, elle nous montre ses fesses en gif animé !). André Gunthert de son côté explore avec entrain le mythe de l'amateur contre le professionnel (son autre obsession) avec des arguments dignes du café du commerce. Selon lui, ce sont les professionnels qui de tous temps ont alimenté les banques d'images à 1 euro avec leur non choix et leurs fonds de tiroir indignes d'être publiés ailleurs (c'est sûrement pour qu'on ne les reconnaissent pas qu'ils se font passer pour des photographes du dimanche. Ben ouais c'est tous des complotistes). Encore une fois tout ce qui ne colle pas avec la vision du chercheur est écarté d'un revers de la main et jeté aux oubliettes de sa petite histoire. Alain Bublex qui est le seul dans cette émission a intervenir parfois de façon un peu pertinente se demande visiblement ce qu'il fout là et déjà sonne la fin de l'émission. Chacun repart donc dignement avec la fierté d'avoir apporté sa pierre au noble édifice de la culture. Ben ouais Kesta ?
Frozen Piglet
"Si tu finis avec une petite vie minable parce que tu as passé ton temps à écouter ta mère, ton père, ton prof, ton curé ou un mec de la télé te disant comme faire. Alors dis-toi que tu mérites ta petite vie minable" Franck Zappa