lundi 22 septembre 2014

Chapeau Rond

Quand j'entends les agriculteurs bretons se lamenter sur le fait que leurs artichauts sont achetés 6 centimes d'euros par la grande distribution, je m'interroge d'autant plus qu'ils sont à vendre 1€50-1€80 pièce au "Carrefour market" en face de chez moi. Les artichauts pas les agriculteurs ... les choux-fleur c'est 2€50. Je le sais ! Je fais les courses. T'es con ou quoi ? Mais alors où passe le pognon putain ? C'est quand même pas dans la poche des actionnaires qui "résident" en Suisse quand même ?
Nous les photographes, les 6 centimes d'euros la photo, on y est déjà et ça on le sait grâce à Mr Laurent Abadjian de Télérama qui est très bien payé lui. Ce gars-là doit pas aimer les artichauts et les photographes bretons non plus, mais il trouve normal d'appliquer les méthodes marketing de la grande distribution à la photographie. Celles qui ont fait leurs preuves.
À ce propos, il n'y a pas très longtemps, j'ai refusé de vendre des photos (sur une base mensuelle) au quotidien METRO et à ses 130 éditions pour 25 USD (pièce comme les artichauts), tous droits cédés pour la terre entière (on a toujours le choix de refuser). J'ai bien pensé foutre le feu aux 130 rédactions de ce journal gratuit pour rigoler un peu. Ben ouais c'est facile avec du papier journal ! Mais ça faisait beaucoup de déplacements pour pas grand chose. Ce qui est marrant, c'est que les gens qui ont initié le modèle gratuit dans la presse en bousillant tout le secteur sont les mêmes qui nous expliquent maintenant que décidément non, il faut revenir à un modèle payant, seul garant d'une "information de qualité". Mais du coup, les opérateurs de la presse payante en ont bien profité pour nous presser comme des citrons. En fait quand ils pensaient "gratuité", je crois que c'était de la gratuité du travail dont ils parlaient.
À bien y regarder, on note quand même quelques différences entre les paysans et les photographes. Si ! Nous, on utilise pas de pesticides et surtout on est pas subventionnés. Enfin la presse censée nous employer si ! Mais nous non ... En plus, il faut se rendre à l'évidence, les photos ne se mangent pas. Le vrai problème aujourd'hui est plutôt de savoir si on peut gagner sa vie pour bouffer en exerçant le travail de photographe et avec lui plein d'autres métiers. Je suis près à parier que chez les agriculteurs, Il y a des tas de gens qui pensent que c'était mieux avant (tous des péquenauds bas du front rétrogrades). Avant, quand les haricots verts en conserve 1er prix ou la purée de tomates sur ta pizza industrielle ne venaient pas de Chine populaire. Quand les champignons de Paris ne venaient pas de Pologne, les escargots de bourgogne de Turquie, les poulets du Brésil, les articles de l'AFP et Reuters. Mais si tu penses cela, c'est que tu n'as rien compris. Dans une démocratie avancée comme la notre, Il faut bien donner de la bouffe low-cost et de l'info à ingérer à tous ces pauvres. Parce que la seule chose dont on est vraiment sûr, c'est que en la matière, la croissance est bien là et c'est véritablement un marché d'avenir.

Frozen Piglet

mercredi 17 septembre 2014

Petits coeurs ou l'imagination au pouvoir

Avant les vacances, j'ai (r)ouvert un compte Instagram, après 2 ans d'abstinence (#NoFilter. Bien sûr ! T'es fou ou quoi ?!). Sans doute parce que je considère que pour un photographe, être présent sur les principaux réseaux sociaux, c'est devenu presque une obligation. Surtout quand il s'agit de vendre des photos en dehors de la France. La raison est simple. Il faut montrer ce que l'on fait partout et tout le temps et si tu ne le fais pas, les autres le feront à ta place. Mais ce n'est pas tout, il faut aussi être actif et investir du temps, sinon c'est inutile de le perdre. Bon évidemment, le problème, c'est que dés que tu mets tes photos sur Internet, tu es assuré de te les faire voler (Attention ! Ça c'est uniquement si tu es doté d'un immense talent comme-moi ...).

Alors le royaume des pseudo "images conversationnelles" (*) hyper-accentuées, hyper-saturées et hyper-contrastées (des petits coeurs, des follow pour follow et des like pour like) a bien entendu évolué et ce dans la plus mauvaise direction possible. Heureusement qu'à long terme et selon la tendance snapchat, il n'en restera rien.
1/ Masquées ou pas, les marques sont omniprésentes.
2/ Les people aussi et ils couchent avec les marques dans une méga partouze
3/ Une foultitude de gens ne font que poster des trucs dont ils ne sont en aucun cas les auteurs, dans la majorité des cas sans le précisez. Le re-cadrage carré permet d'évacuer un copyright inutile et gênant. Ils pensent probablement qu'ils deviennent l'auteur en appliquant un filtre à la con sur une photo volée. Un peu comme une fausse plaque qu'on appose sur une bagnole chouravée.
4/ Remballez votre smartphone, les photos éveillant un semblant d'intérêt et un déluge de likes infantiles sont réalisées en fait avec une appareil photo, puis importées sur Instagram et oubliées aussitôt. 
5/ Pour le reste, la majorité des comptes s'adresse principalement aux podologues, aux fabricants de frites surgelées et aux sacs à puces.

Cet été, j'ai pourtant vécu une expérience un peu particulière quand je suis tombé totalement par hasard sur une image postée (10 secondes avant) par ma jeune inconnue et immédiate voisine de transat sur son compte Instagram géolocalisé (classiquement: ses pieds, ses ongles vernis rouges, la plage et la mer). En un clin d'oeil, j'avais son pédigré avec son nom complet, son âge, son adresse, son mail et son parcours professionnel, ainsi que son poste actuel (chef de produit dans une direction marketing dans l'entreprise ... Bip ...). En moins de 10 minutes, je savais qu'elle était mariée depuis un an, avec ce type au regard de merlan frit qui la regardait langoureusement et qui travaille dans l'immobilier (pour le réseau d'agences ... Bip ...). J'avais aussi tous les noms de leurs amis et relations, ainsi que toutes les données les concernant et tous les endroits où ils s'étaient rendus récemment. Ceci incluant les hôtels, les restaurants, les bars, les boîtes, les parcs d'attractions et les activités de loisirs. Arrivé à ce stade, j'ai arrêté de les pister, pour me remettre de la crème solaire et changer de côté. Et puis je me suis endormi et j'ai pris un coup de soleil.

Frozen Piglet

* un autre cliché véhiculé partout par ce cher André Gunthert pour dynamiser son petit commerce

mercredi 10 septembre 2014

Bas Coût - Coup Bas

Moi j'aime bien Télérama, ce titre en forme de kit de prêt à penser de la bourgeoisie citadine ronflante de droite qui votait à gauche (à moins que ce soit l'inverse). Pendant longtemps, j'ai été même un abonné gratis (j'aurais pas payé pour ce canard). Ben ouais évidement puisque je travaillais pour eux. Les grilles des programmes télé, je m'en foutais pas mal ... Sauf quand un film était frappé du sceau de l'infamie Téléramesque: "à éviter". Alors là, je réservais ma soirée, vu qu'il y avait toutes les chances pour que ce soit un bon ou même un très bon film ! Contrairement aux apparences, bosser pour Télérama, ça n'a jamais été une sinécure et encore moins un long fleuve tranquille pour les gens comme-moi. Je veux dire pour le genre de photographe qui assure le tout venant et à qui on ne passe rien. Un jour, j'ai été remplacé sans un regard, comme tant d'autres avant moi et tant d'autres après sans doute.
Comme beaucoup de photographes j'imagine, j'ai lu le ... texte de Laurent Abadjian, directeur photo de Télérama: "Pourquoi le photojournalisme va mal (et quelques raisons d'espérer)". Ce truc parle aussi de pâtisserie, de forfaits de ski et de la presse qui va mal. C'est marrant parce que le photojournalisme est déjà décédé une bonne dizaine de fois dans ce magazine. Faut croire qu'on arrive a ressusciter les morts. Mais pour ce spécialiste de la spécialité, si les magazines n'ont pas honte de payer moins d'un euro (ou même rien) la photo d'archive d'un évènement planétaire réalisée par un vrai professionnel, c'est normal. C'est "le jeu des forfaits" et "des inévitables évolutions du monde". Les coupables n'existent pas et tant pis pour ceux qui n'ont rien vu venir. Ils seront tous privés de Nutella. Les canards achetés par les milliardaires et la presse la plus subventionnée d'Europe n'y sont pour rien du tout ! Non non ! Mais au fait ! Comment seront constituées les archives d'aujourd'hui et de demain et où seront-elles conservées et indexées ? Ben dans les smartphones de nos contemporains, sur Facebook et Instagram, ou peut-être bien dans leur cul ! Ben ouais bien sûr ! T'es con où quoi ?

Frozen Piglet

C'est la rentrée et je suis déjà fatigué par toutes ces conneries. J'arrête pas d'acheter des appareils photo pour entretenir l'illusion que je suis toujours photographe. Mais j'ai de plus en plus de mal à m'en persuader et je fais de moins en moins de photos. À un moment, je me suis demandé si je n'allais pas arrêter ce blog. Et puis non, finalement je vais continuer.




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